samedi 29 mars 2008

Charles Krafft













Cela faisait quelques temps que je voulais "parler d'art". Je mets des guillemets parce que bon, je suis pas très à l'aise pour disserter sur le sujet. Vous allez voir des artistes ou des oeuvres qui me plaisent, sans que je sache expliquer tellement pourquoi. J'aime les esthétiques bien décalées, sombres, un peu thrash...
Et là, je tombe sur Charles Krafft, créateur de biens obscurs objets. Je vais juste dire que j'adore cette inversion extrême de l'image que véhicule la porcelaine. Vous savez quoi offrir à Mémé maintenant.

Bref, ouvrez vos yeux, avec une première gallerie, pour vous chauffer.
Quelques clichés de son exposition en collaboration avec le ministère de la Défense slovène, à Ljubjana.
Charles Krafft crée des oeuvres "en lien avec les réalités modernes", même les plus dégueulasses.
Un article (en anglais) du site Ceramics Today.
Un autre, plus long, avec de larges extraits d'entretiens (et toujours en anglais). Pour les non-anglophones, je mettrais plus tard une retranscription d'une interview qu'il a livré pour le dernier Clark magazine.

Enfin, une vidéo-diaporama de son travail sur la porcelaine (il est conseillé de couper le son... désolé):


vendredi 21 mars 2008

Crash! de J.G Ballard


















James Ballard subit un grave accident de la route, où il provoque la mort d'un automobiliste. Fantasmant de manière inexpliquée sur la femme de celui-ci, qu'il a également blessé, il va ensuite faire la connaissance d'un chercheur marginal au charme tordu, fasciné par les accidents de voiture, traquant les catastrophes routières autour de l'aéroport de Londres, entraînant rapidement notre narrateur à sa suite dans la quête d'une nouvelle et grotesque sexualité entre aciers déchiquetés et chairs mutilées. La mise en scène minutieuse de collisions impliquant des célébrités semblant être le sommet à atteindre pour l'effrayant Vaughan.

L'auteur se met d'ailleurs lui aussi en scène dans ce scénario dément, puisque le personnage porte son nom. Peut-être une façon de se remettre moralement en question, dans un monde de plus en plus obsédé par le sexe et la technologie. L'alliance de ces deux mamelles de la société moderne étant le paroxysme de notre décadence. Son Malaise dans la civilisation personnel en somme. En effet, la faillite des sentiments constitue pour J.G Ballard le drame le plus important du XXème siècle, qui a vu esprit et conscience se développer conjointement à une technologie omniprésente, engendrant alors des aberrations, des perversités hors normes... au travers du prisme du sexe comme arène idéale de l'épanouissement. Pouvoir et sexualité ayant toujours été étroitement liés, avec la figure tutélaire de l'homme tyrannique, ils deviennent pour Ballard une véritable question politique, les déclencheurs de déchaînements de violence constants. Crash! est une métaphore sexuelle de ces déviances, une sorte de prédiction imagée des abus les plus horribles imaginables, exerçant sur les protagonistes (et les lecteurs) une fascination irrépressible.

La pornographie comme parabole d'une société machiste et dominatrice donc, dont le paroxysme serait une union littérale, cauchemardesque, entre sexe et machines. Nous somme confrontés ici à un « document psychopathe », l'expression la plus abrupte et dégénérée de l'effondrement sentimental et relationnel d'une race. Il qualifiait d'ailleurs son œuvre, à l'origine (en 1973), de véritable roman d'anticipation, d'avertissement.

On pourrait accuser Ballard de jouer la carte de la provocation, du racolage macabre, tant l'auteur fait preuve d'une imagination perverse qui semble sans limites, mais il possède indéniablement une plume remarquable, développant un style riche, se complaisant toujours dans la pornographie, accentuant ainsi le malaise qui nous serre la gorge et nous lève le cœur, surtout pendant les longs passages descriptifs... âmes sensibles et esprits instables s'abstenir! On pourrait presque qualifier Crash! de poétique et de lyrique, en particulier quand l'horreur des accidents et des fantasmes atteint des sommets (je pense aussi au chapitre où le personnage principal conduit sous acide... on s'y croirait!). Sa lecture s'apparente d'ailleurs davantage à celle d'un recueil de poésie: pour ma part je ne lisais que de brefs passages, car se trouver au plus profond des cerveaux déviants des personnages est pour le moins assez éprouvant.

De plus l'intrigue ne constitue pas vraiment un fil conducteur. On sait dès les premières lignes qu'un tel récit ne peut que finir dramatiquement, et on comprend qu'il ne s'agit au fond que d'un détail. La mutation qui s'opère dans l'esprit du narrateur, de sa femme et de la clique que Vaughan traîne derrière son charisme monstrueux est le seul semblant d'histoire auquel on peut se raccrocher. L'effet sur notre propre subconscient des multiples virées en compagnie de Vaughan et Ballard est encore plus angoissant à vrai dire.

On peut comparer Ballard l'auteur à William Burroughs, et on comprend aisément que David Cronenberg, cinéaste obsédé par le corps, la violence et la technologie, aie adapté le livre au cinéma en 1996.

On ne ressort pas indemne de la lecture de Crash!, avec le sentiment d'avoir été véritablement pénétré de plein fouet par une masse de métal hurlante, suintant l'essence, le liquide séminal et l'adrénaline.

Migration de printemps...

Je suis donc parti à tire d'aile de 20six pour atterrir ici.
Vous pourrez toujours consulter la cinquantaine de notes de l'ancien blog ici:

http://www.20six.fr/egout.mental

Enjoy!