vendredi 29 mai 2009

Prefuse 73 - Everything she touched turned ampexian / Warp
















Renaissance pour Guillermo Scott Herren, alors qu'on le croyait à jamais aspiré par le vortex de sa propre inspiration, qui, à force de boucles brisées et de beats circulaires clonés à l'infini, a fini fatalement par tourner en rond. Après un « Surrounded by silence » fadasse, ce génie autiste a effectué sa mue. Et pour l'envol du papillon, Prefuse 73 a composé la bande-son parfaite.
A l'image de l'artwork de l'album, c'est un univers merveilleux et bucolique qu'il a choisi d'explorer. Il est ce cosmonaute ébahi qui erre dans un environnement singulier, envahi par ce qui semble être une sorte de végétation extra-terrestre, ou peut-être est-ce le jardin d'Éden qu'il découvre, après avoir percuté un astéroïde à 100 000 km/h...
Car les premières secondes de « Everything she touched turned ampexian » nous entraînent dans une chute désordonnée, parsemée de déchirures sonores, de voix confuses, qui débouche sur une lumière claire, une voix et un piano angéliques. Rassurants. Mais les breaks ne tardent pas à venir se briser contre ce bel ensemble harmonieux, pour laisser à nouveau la place à des compositions rêveuses et apaisantes. Mais les bizarreries, même si elles ne se manifestent qu'en arrière-plan, souvent quasiment imperceptibles, attendent toujours leur heure, planquées dans les buissons verdoyants. Les déambulations de notre cosmonaute paraissent se dérouler au ralenti, comme vues à travers un écran de contrôle, d'où parfois surgissent des saturations, des parasites, des modifications de tons et de couleurs, comme si un malfaisant hacker piratait cette réalité paradisiaque mutante. On s'émerveille, mais la gêne augmente au fur et à mesure que la nature se fige, se fixe, s'assombrit parfois, s'ouvrant sur les abysses. Les beats se font lourds, agressifs, une faune invisible lance ses rugissements déstructurés, tout est sursaturé d'ondes, naturelles ou artificielles... on en vient à douter de l'apparente harmonie des lieux, qui ressemblent de plus en plus au piège d'une plante vénéneuse qui nous attire par son parfum envoûtant. On est comme drogué à force d'écoutes répétées, on plane parmi les nappes et les voix ensorceleuses du monde de Prefuse 73, entre réalité et illusion virtuelle; puis on est bousculé à coups de lacérations sonores...
Cette oeuvre schizophrène, éparpillée en 29 pistes n'excédant parfois pas les quelques secondes, se savoure d'autant mieux que c'est lorsque l'image se brouille que l'on peut profiter de toute la complexité et la virtuosité de ce « Everything she touched turned ampexian »... (ce titre intrigant venant du fait de l'enregistrement sur une vieille cassette Ampex, d'où la texture sonore si particulière). Si au premier abord on se laisse agréablement porter par ce nouvel opus, qui prendrait la voie d'une musique moins urbaine, plus douce... puis on comprend vite que Scott Herren n'a pas abandonné les cassures et griffures digitales qu'il affectionne. Il les a juste mêlés avec intelligence à un nouvel univers, dont l'étrangeté et l'imprévisibilité donnent enfin un second souffle à son parcours musical.

Myspace de Prefuse 73

Interview pour Brain Magazine à l'occasion de la sortie de l'album