jeudi 31 juillet 2008

RAoul Sinier - Brain Kitchen / Ad Noiseam
















Producteur français prolifique et méconnu, Raoul Sinier (ex-RA) m’attire depuis plusieurs mois déjà. Suivant ses dernières sorties (6 depuis 2007, dont 3 albums !) avec intérêt, j’étais toujours fasciné par sa démarche artistique pour le moins foisonnante et complète : en plus d’une musique riche et intrigante, Sinier crée sur le même mode des vidéos, des illustrations, des textes, des magazines spécialement pour la sortie de ses disques, apportant une grande consistance à son œuvre. Un talent artistique protéiforme, mais aussi la preuve d’un engagement profond dans chacun de ses projets, engagement qu’on aimerait voir plus souvent dans l’industrie musicale.

Mêlant breakbeat, IDM et électro expérimentale, le grand Raoul triture ses machines jusqu’à obtenir d’elles des enchevêtrements sonores où l’on a souvent l’impression d’écouter le carnage provoqué par un trisomique lâché dans un magasin de musique, sans trop savoir s’il joue ou s’il fracasse les instruments en milles morceaux. Mais au milieu de ce génial vacarme œuvre l’orfèvre Sinier, chirurgien à la précision diabolique, découpant au scalpel ces milliers de sons barbares pour les ériger en immenses et puissants Frankenstein, plutôt intimidants, mais qui savent se faire attachants. Que l’on progresse au milieu de morceaux ressemblant à des jungles luxuriantes transformées en décharges pour déchets informatiques, comme parmi des environnements plus rassurants, plus accrocheurs, grâce à des mélodies et des samples qui savent faire mouche (oui, on peut siffloter du Raoul Sinier sous la douche !), le travail de composition, surtout sur les rythmiques, est en tous points impressionnant.

Les titres plus accessibles se regroupent plutôt en début d’album, tandis que dans la seconde partie, on a de plus en plus l’impression de voir le disque nous échapper, se liquéfiant, se déstructurant ou ruant dans les brancards pour mieux échapper à toute assimilation. Car qu’on ne s’y trompe pas, le monde de Raoul Sinier demande une certaine dose d’acharnement pour en saisir toute la singularité. Mais ce talent pour allier de temps à autre le « tubesque » (avec pas mal de guillemets) et l’expérimental le plus griffu est admirable, et laisse augurer du meilleur.

A l’image d’un train fantôme aux innombrables et immenses pièces aux décors foisonnants, Brain Kitchen dissèque notre cerveau à un rythme effréné. En ressort parfois une cuisine presque subtile, bien que toujours très saignante (avec un arrière-goût de rouille), d’autres fois des amas bouillonnants de chairs et de métal, le tout agrémenté d’une bonne rasade de cyberpunk et de quelques bandes de films d’horreurs. Mais si on a les tripes et l’estomac bien accroché, on finit par rester hypnotisés par le savoir-faire de ce chef atypique.

Myspace de RAoul Sinier

Brain Kitchen Magazine

Des clips qu'ils sont beautiful