jeudi 26 juin 2008

Flying Lotus - Los Angeles / Warp
















« J'aurais voulu être un artiste », comme disait ce mégalo ultra-capitaliste fourbe et haineux. Je t'en foutrais, moi. Bon, ses parents devaient être dans la bureaucratie, probablement bancaire, ce qui n'aide pas. Les miens sont dans l'armée et la manipulation mentale (on appelle ça l'éducation nationale aussi). C’est peut-être mieux, en tout cas ça donne des passions étranges, genre les armes à feu et les bouquins tordus que personne ne lit, sur des mecs qui baisent avec des carcasses de voitures... pas top.

Steven Ellison a eu plus de chance. Dans son arbre généalogique, on trouve Alice et John Coltrane. On est moins étonnés du coup quand on écoute sa dernière galette, dédiée à sa ville, Los Angeles. L'éclectisme de sa culture musicale vous saute à la gueule d'autant plus que ses différentes composantes sont mijotées avec talent, savamment transformées sans être déformées, et habitées par la touche d'étrange qu'il faut pour susciter la fascination nécessaire pour faire planer vos synapses. Lorsqu'on ouvre grand ses oreilles, on voit: des milliers de miles de virées nocturnes urbaines, des montagnes de VHS de science-fiction et de cartouches de jeux vidéos, des tonnes de weed, et Dr Dre et Snoop jouant au tarot dans une flying saucer. Oui.

On serait tenté de le comparer à Madlib, grand explorateur au même titre, repoussant les frontières de son genre. Mais là où le maître de Stonesthrow fait preuve d'une certaine frénésie, boulimique de vinyles obscurs, concoctant des potions magiques grouillantes d'ingrédients divers et variés, cavalant d'un genre à l'autre pour des résultats qui restent inégaux, Fly Lo choisit de rester dans sa galaxie. Une galaxie lointaine, très lointaine, surnaturelle et fascinante, associant chaleur et profondeur des beats à la froideur glaciale et magnifique d'une électronique rêveuse, minimaliste et millimétrée.

Los Angeles est un album terriblement abouti. Son auteur élève le sens de la boucle au rang de science, livrant une musique tombée des étoiles: le hip hop nous parlant du futur, organique et technologique. Et s'il n'a jamais cessé de l'être, y puisant même ses origines, le mariage de l'humain avec sa machine est ici consommé passionnément. En résulte un enfant complètement biomécanique, un album qu'on ne peut qualifier de mutant tant sa structure est pure et harmonieuse, bien que sa forme soit profondément troublante lors du premier contact... que cela ne vous empêche pas d'adopter sans tarder cette nouvelle forme de vie musicale, cosmique mais aussi puissamment urbaine, imprégnée de l'atmosphère de la ville, fondue en elle tel un Horla post-moderne...

Tiens, finalement mon héritage familial en termes de littérature m'a permis de finir cette chronique.

Myspace de Flying Lotus